Diplômée
de l’École Supérieure des Beaux Arts de Marseille, Claudie Lenzi
est une poète qui fabrique des objets et une artiste
plasticienne qui trafique le langage.
Elle
conçoit et fabrique ses œuvres à la croisée des poésies et des
arts plastiques.
Les
mots sont pour elle une matière sonore qu'elle découpe, détourne
et réinvestie dans des installations d'objets (réemployés ou
moulés)
Elle
se définit comme une OTOrigène*, terme hybride qu’elle a inventé
pour désigner la peuplade malentendante à laquelle elle appartient,
qui vite entre bruit et silence où se profile la ligne du
malentendu.
Le
langage est le moteur, le matériau récurrent de son travail qu’elle
combine à des problématiques plastiques tel un feed-back incessant
entre sens, images et objets à fabriquer.
En
artiste multimédia, Claudie Lenzi écrit, publie, performe, moule,
assemble, imprime, dessine, photographie, filme et installe.
Son
œuvre est protéiforme. Les supports et les matériaux que
l'artiste utilise sont ceux qui font davantage sens par rapport à ce
qu'elle souhaite exprimer dans ses différents projets, l'objet
alimentant le langage et le langage l'objet.
Son
travail questionne le corps dans ses fonctions sensorielles, dans ses
rapports à l’oreille et à l’écoute, à la peau et à la
bouche, soumises à un handicap ou à une altération par le temps et
souligne les difficultés rencontrées par la non écoute chez l’être
qui vit et qui dit.
Ces
fonctions sensorielles sont désignées par métonymies d’objets
récupérés, moulés, assemblés, que l’artiste articule avec le
sens caché des mots.
Pour
parler de cette sensorialité, mise à l’épreuve par les accidents
de la vie, Claudie Lenzi réalise des installations dans lesquelles
objets, images et vidéos se conjuguent au travail du sens, du double
sens de ses textes (glissements sémantiques, homophonies multiples,
calembours visuels…)
Elle
fabrique aussi des machineries, sortes de prothèses
animées par du mouvement rotatif, mécanique ou horloger
: Machines à Lire et Dire, Livres Rotatifs et Livres
Horloges, où, la lumière, le son et le mouvement compensent et
pansent les dérèglements opérés par ces altérations des sens et
témoignent de l’incessante incertitude du langage. Les
Machines à Lire de Claudie Lenzi dialoguent avec des fragments
de mots disséqués, des syllabogrammes séquentiels, et deviennent à
leur tour supports d'écriture en 3D, instaurant ainsi de nouveaux
mécanismes de lecture.
Travaille
également sur les techniques plastiques du différé, celles
qui ne se « découvrent qu’après », qui « diffèrent »,
qui « se répètent », comme le moulage, l’estampe, la
photographie.
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Claudie Lenzi réalise, depuis 2005, des actions
participatives et solitaires dans l'espace public sur la
signalisation et signalétique routière et urbaine Les
Signalisa(c)tions qu'elle réinvestit et détourne au profit de
la représentation de la femme dans son combat pour le droit à la
parole et à l'écoute
*OTOrigène:
(de oto: oreille, de rire et de gène: unité responsable d’hérédité
sur un chromosome provoquant de la gêne
Son
handicap, celui de l’écoute défaillante, la confronte d’une
manière permanente à la fragilité, à l’altération et à la
perte, qui sont les caractéristiques de cette déficience. Le
dérapage et la perte du son engendre des glissements de sens et
génère de l’incertitude et du trouble dans la perception. Il
s’agit alors de compenser pour exister, d’intégrer cette
différence et la positiver. Pour elle, exister, c’est
résister.
Cet
état la rend particulièrement attentive aux minorités, aux
victimes. Donner la parole, par son travail, à une mémoire ouvrière
perdue, aux exploités, aux personnes qui vivent à travers des
choses simples de la vie et d’autres qui sont de l’ordre du
combat et de la résistance (Vis ta Mine !, Les
Silencieuses, Elles ont relevé le front.…)
Les
propositions artistiques de Claudie Lenzi dévoilent les différentes
préoccupations sociales et culturelles puisées dans les espaces de
vie et de mémoire et questionnent ainsi les relations humaines qui
gravitent autour. Ses objets comme ses textes nous communiquent la
fragilité de notre mémoire, le paradoxe et l’éphémère de nos
perceptions d’être humain qui pense, parle, agit.… souvent à la
dérive. M. A. M
Parutions
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